La belle vilaine
Nelson Boisvert
L'épervière orangée (Hieracium aurantiacum), sous d'autres latitudes appelée "marguerite rouge" ou "bouquet rouge", est une plante dont la couleur écarlate ravit le regard. Cela ne l'empêche pas d'avoir mauvaise réputation et d'être considérée comme un véritable fléau. Le Frère Marie-Victorin (1885-1944), éminent botaniste auteur de la Flore Laurentienne, la jugeait comme tel car, écrivait-il à son sujet, elle « a une pousse vigoureuse qui s'étend au moyen de courants, et qui mûrit une quantité considérable de graines aigrettées ; elle envahit les terrains qu'on ne peut plus labourer, ses feuilles prenant la place de l'herbe et ruinant les prairies et les pâturages ». Originaire des massifs montagneux du nord de l'Europe et de l'Asie, l'épervière orangée a été introduite en 1875 près de New-York comme plante ornementale. Vivace et agressive, elle se propagea rapidement, surtout vers le Nord car, sa pubescence en fait une espèce bien adaptée au froid. De fait, elle peut supporter des températures négatives allant jusqu'à -25°C, voire davantage. Au Québec, sa présence est signalée en Estrie en 1889, dans les environs du lac Magog. Aujourd'hui, cette magnifique espèce "exotique" invasive a conquis le Québec méridional, se propageant le long des routes jusqu'en Abitibi, au Lac Saint-Jean et en Gaspésie. Dommage que ce soit une "peste" car elle attise nos paysages de sa couleur de braise!